Sabine Herold et Julie Coudrie
Vidéo envoyée par jeanpauloury
La notion de « contrat de lecture », d'Eliséo Veron permet de "rendre compte de la relation entre un média et ses lecteurs, à la fois en termes individuels, via le mode d’adresse adopté, et plus collectifs, via les « visions du monde » proposées. Contrat proposé jour après jour, dans le texte du journal, validé par l’acte d’achat et de lecture, lui aussi régulier dans le temps." Ce contrat implique constamment les 2 parties : « Cette relation entre un média et son public ne se conçoit pas à sens unique : ni d’un côté, un média qui influencerait et manipulerait ses lecteurs, ni de l’autre, un média simple reflet des opinions de ceux-ci. Le média est source d’informations pour son public propre mais aussi lieu de réaffirmation des valeurs de ce même public ; il est porteur de nouvelles interrogations mais aussi dépositaire d’éléments constitutifs du lien social de son lectorat." Tout cela est bel et bien bon et on aime la sociologie quand elle nous décortique ainsi le monde. On veut croire volontier que cette notion de contrat de lecture est mise en application à tous les niveaux de la sphère médiatique. Mais qu'en est-il du service publique ? Vous allez me dire oui, bien évidemment, puisque le téléspectateur est soumis à la redevance télé. Donc si demain il n'était pas content de l'information que lui délivre France 2, ou s'il avait des doutes sur la véracité de celle-ci, par exemple, il se révolterait en refusant de payer sa redevance télé. Oui mais voilà, tout n'est pas si simple : s'il refuse de payer cet impôt, on lui envoie relance sur relance, et, pour finir, qui sait, peut-être finira-t-il par voir arriver l'huissier... Il faudrait alors que tous les Français se révoltent en même temps en lançant une grande grève de la redevance télé. Oui mais, pour cela, il faudrait que tout le monde partage la même insatisfaction. Et jusqu'à présent, ça n'est pas le cas. Tous les Français plébiscitent le traitement de l'information que leur propose les journalistes du service public. La preuve en est que pour respecter le contrat de lecture, certains journalistes du service publique font des reportages dans lesquels ils font passer tous les anti-grèves pour des réactionnaires, ce alors-même qu'une très grande majorité de Français étaient contre cette grève. Doit-on en déduire que tous les Français sont d'accord avec le fait de se faire traiter de réactionnaire ? Ensuite, imaginez que vous passiez un instant de l'autre côté de l'écran et que vous assistiez au tournage d'un reportage effectué par certains journalistes zélés du service publique: en face de vous, une jeune politique libérale se fait cuisiner:
- "Alors, Sabine Hérold, avouez, hein ? Vous êtes bien pour la suppression des syndicats, n'est-ce pas ?", - "Pas du tout, bien au contraire, je suis pour plus de syndicats et de syndiqués. Et je veux un monde syndical, fort, libre et représentatif."
Après avoir assisté à cette scène vous rentrez à la maison où vous attendez que passe le reportage. Et là que voyez-vous ? Le portrait d'une militante anti-grève dont le seul message sur les syndicats est réduit à cette petite phrase assassine et insignifiante d'un point de vue politique "certains ne sont pas sympathiques du tout" suivi d'un bruitage ridicule. Vous vous frottez les yeux en vous disant que vous avez dû manquer un passage et vous vous dites : pourquoi le journaliste n'a-t-il pas exposé la solution politique proposée par Alternative Libérale, alors qu'il a passé une journée complète avec la porte-parole du parti. Mais me direz-vous, c'est normal, c'est ça la liberté de la presse. Ah d'accord.... J'avais presque fini par l'oublier. Mais alors pourquoi, moi, je ne suis pas libre de ne pas payer ma redevance à France 2, si France 2 choisit de traiter les sujets de la manière que je n'ai pas envie de les voir. Pire, si je sais qui plus est qu'elle les traite par dessus la jambe ! On pourra toujours s'evertuer à parler de contrat de lecture (en l'occurence, ici, contrat de visionage) après cela, il apparraîtra que ce contrat s'impose de manière unilatérale au spectateur. Le comble du paradoxe, ou du masochisme, étant que le téléspectateur doit payer pour se faire maltraiter ! Mais si tous les Français sont ravis ainsi, alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
PS/ Ceci-dit, soyons bon prince et ne tombons pas dans le cliché stérile qui soutiendrait que toute l'information qui vient du service publique est forcément orientée: pour un sujet biaisé, on peut trouver plein d'autres émissions traitent objectivement et consciencieusement de la réalité. Mais encore une fois, on voit à quel point le respect du contrat de lecture est essentiel pour que l'on dispose d'un bon traitement de l'information.
Les commentaires récents